Sexualité et spina bifida

Origine : 1er 2001 | En ligne : 17 décembre 2009 par Soulier B.

Sexualité et spina bifida

Texte(s) extrait(s) de : Un amour comme tant d’autres ? Handicaps moteurs et sexualité. Dr B. Soulier. Ed. APF 2001,Chapitre XIV : Questions spécifiques à certains handicaps

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1. Généralité 2. L’éveil sexuel 3. Retentissement sur la sexualité

1. GENERALITES

Le spina-bifida est un handicap congénital, présent dès la naissance, qui entraîne une paraplégie par lésion de la moelle épinière. Parfois, les jeunes spina-bifida jettent un regard d’envie aux personnes blessées médullaires. “Ceux qui sont paraplégiques à la suite d’un accident ont souvent eu la chance de construire un couple et une famille avant leur accident, après ils peuvent retrouver ce qu’ils ont construit. Alors que nous, il faut faire face à tout plein de problèmes provoqués par le handicap et les expliquer au partenaire dès le début, ce qui est très lourd.” D’autres au contraire, habitués depuis toujours à faire face aux multiples difficultés, en ont pris leur parti, et conçoivent avec horreur le sort d’un jeune adulte qui brutalement perd sa mobilité mais surtout toute sa vie passée : “Le foot, je ne sais pas ce que c’est, mais je crois que si je perdais cette capacité d’échange sportif avec les jeunes de mon âge, d’un coup, en tombant dans un fauteuil… Je ne pourrais pas le supporter.”

2. L’EVEIL SEXUEL

Parmi les jeunes atteints de différents handicaps, ceux qui ont un spina bifida sont ceux qui découvrent le plus tardivement la sexualité. Une immaturité affective peut caractériser certains de ces jeunes. Cela est dû à plusieurs facteurs qui sont imbriqués :
- la surprotection parentale ;
- les organes génitaux qui sont souvent insensibles, aussi les jeunes ne ressentent pas fortement les sensations physiques sexuées qui peuvent apparaître à l’adolescence même s’ils sont bousculés par des émois comme tout adolescent ;
- leur attention est mobilisée par les troubles urinaires et fécaux. Les organes génitaux sont alors souvent considérés comme sales, assimilés aux problèmes et aux odeurs des selles et des urines, sans être associés au plaisir. Le manque d’information sur la sexualité et la connaissance de leur corps est assez habituel et ne facilite pas la maturation de la personne.

“L’immaturité affective, si fréquente, doit au moins une part de son existence à la fréquence et à la durée des hospitalisations”, indique le professeur Philippe Lacert (1993). De plus, Noël François (1993) note “l’absence d’intimité depuis la petite enfance”. On retrouve des difficultés émotionnelles particulières chez les jeunes atteints de spina-bifida, “comme s’ils avaient été précocement dans une absence carentielle de stimulations primaires dans les échanges avec la mère” (Stern, 1985). L’enfant et l’adolescent ont été l’objet de soins urologiques, vésicosphinctériens, recto-anaux, de soins cutanés au niveau du siège à multiples reprises par des personnes différentes, nécessitant des examens paracliniques fréquents. Tout ceci peut être intégré par le sujet comme des agressions qui risquent de lui donner une image peu érogène de cette partie du corps. Contrairement aux personnes paraplégiques traumatiques, la personne atteinte de spina-bifida n’a pas connu ce que pouvait être la sensibilité génitale et elle ne peut se référer à un passé sexuel ordinaire. Le travail de deuil provoqué par l’absence de sensibilité génitale se fera lors de la découverte de l’intérêt sexuel pour l’autre au début de l’âge adulte. Cette découverte de ne pas ressentir les mêmes sensations que les autres va être très douloureuse. C’est alors qu’il faudra l’aider à découvrir ses propres sensations érotiques, que ce soit au niveau des zones sexuelles ou ailleurs. Tous ces aspects expliquent l’intérêt très tardif de ces jeunes à vouloir vivre une relation de couple. “Nous sommes frappés par la faible demande d’aide à l’érection chez ces patients, car si un bon nombre a des érections, la qualité de celles-ci est difficile à préciser, mais ne devrait pas être très différente des syndromes de la queue de cheval ou par hernie discale. Ces derniers patients consultent, eux, pour leurs problèmes sexuels, ce n’est pas le cas des spinas” (J.-J. Labat et al., 1996).

À l’adolescence, le jeune, émotionnellement, ressent le trouble que peut engendrer la présence de l’autre qui l’observe intensément ou le frôlement d’une main sur son corps par exemple. Physiquement, pour ceux qui n’ont pas la sensibilité des organes génitaux, comment se fait l’éveil sexuel ? Heureusement, le corps est fait de façon complexe, et il va y avoir un déplacement de l’éveil sexuel sur toute la partie haute du corps, avec notamment les seins, mais aussi, la possibilité de ressentir des “frissons ou sensations particulières” ou de développer des zones plus sensibles au niveau du plexus, de la base du cou, du bas du dos, au niveau des mains, entre les doigts ou de ressentir une impression de bouffées de chaleur qui part du cou et envahit la figure. À l’âge où souvent les jeunes commencent à avoir le désir de se masturber, ils ne seront pas trop attirés par cette activité s’ils n’ont pas la sensibilité génitale, mais cela ne les empêchera pas de ressentir les émotions précédemment décrites lors de stimulations physiques, effectuées par quelqu’un ou lors de fantasmes. Les jeunes atteints de spina-bifida “ont d’énormes difficultés à intégrer une relation amoureuse. À l’heure actuelle, il serait souhaitable d’intervenir dès l’adolescence, dans le cadre du milieu où le jeune adolescent est pris en charge, dans un esprit de valorisation corporelle et d’affirmation de soi, afin de lui faciliter ensuite cette démarche de séduction et de rencontre” (J.-J. Labat et al., 1996). Une prise en charge psychothérapeutique systématique semble nécessaire pour pallier leur immaturité affective, pour tenter de restaurer le narcissisme, d’améliorer l’image de soi, de favoriser les échanges et la communication avec l’autre, d’aider à l’expression des émotions. “La dépression apparaît comme un trait majeur” au test de Rorschach, relève H. Benony (1993).

3. RETENTISSEMENT SUR LA SEXUALITE

La personne atteinte de spina-bifida va être confrontée à des problèmes spécifiques.
- les urines et les selles dont on a parlé plus haut.
- la recherche de positions adaptées lors des relations sexuelles. Certaines positions seront plus confortables que d’autres pour faire l’amour, notamment pour l’homme, de préférence sur le dos, alors que la femme jouera un rôle plus actif en étant sur lui lors du coït. S’il soutient tout le poids de son corps sur les mains, il perdra toute son énergie et aura du mal à conserver son érection. parfois, les hanches ont été bloquées à la naissance pour faciliter la marche, et cela peut être une gêne pour le rapport sexuel. Il faudra alors trouver des positions adéquates. En principe, que ce soit l’homme ou la femme, celui qui a les hanches bloquées et les jambes paralysées sera plus confortablement installé en se plaçant sur le dos ou sur le coté. la présence de contractures nécessitera la prise d’un traitement oral myorelaxant habituellement donné lors de spasticité.

il existe assez souvent des troubles ou une perte de sensibilité de la sphère génito-sexuelle. Par exemple, la femme ne sentira ni son clitoris, ni son vagin ou elle ne sentira que le vagin. L’homme ne sentira ni son pénis, ni ses testicules. La diminution ou perte de sensibilité de la région génitale n’est pas définie aussi simplement que lors de paraplégie par lésion traumatique, car l’atteinte est due à une malformation congénitale confuse qui a mélangé les différents tissus. On ne peut donc répertorier nettement, ainsi qu’on peut le faire pour les personnes blessées médullaires le type de trouble qui sera observé en fonction du niveau médullaire de la lésion. “Il existe bien souvent un mélange de sensibilité et de commande volontaire normale associées à des lésions périphériques, elles-mêmes associées à un automatisme central sacré qui donne des tableaux cliniques extrêmement divers” (N. François, 1996). le manque ou l’absence de sécrétions vaginales. Quand on utilise des spermicides, ils préservent en même temps des infections gynécologiques. On peut aussi utiliser des gels vaginaux hydratants vendus en pharmacie. Gelée spermicide et gel hydratant sont compatibles avec le préservatif (cf. le chapitre sur les crèmes lubrifiantes pour l’homme et la femme). les troubles de l’érection. Environ 75 % des personnes atteintes de spina-bifida peuvent avoir une érection, qu’elle soit ou non suffisante pour permettre un rapport sexuel (J. J. Labat et al., 1996). les troubles de l’orgasme. Deux études, celle de A. S. Cass et al. (1986), et celle de R. Perez-Marrero (1984), ont observé que les femmes avec un niveau lésionnel lombaire bas (en dessous de L2) avaient des sensations sexuelles, et pouvaient ressentir l’orgasme ou une sensation orgasmique. Sinon, souvent, pour les deux, l’intensité de l’orgasme est faible, ou ils ne pourront l’atteindre. on peut alors rechercher un para-orgasme (cf. Aimer au-delà du handicap, B. Soulier), équivalent de l’orgasme traditionnel, mais qui est provoqué par la stimulation de zones autres que génitales (cf. chapitre sur les exercices sexuels). l’allergie au latex. Les personnes atteintes de spina-bifida y sont très fréquemment allergiques. Il existe actuellement, des préservatifs sans latex (ex : Manix Cristal® hypoallergéniques), vendus en pharmacie.